Ce mardi 12 octobre, SKEMA BS a annoncé ne plus racheter le Fashion Institute of Design & Merchandising (FIDM) de Los Angeles afin de privilégier un projet de développement organique en ouvrant un campus dans les Emirats Arabes Unis, à Dubaï. Objectif : y accueillir rapidement 2 000 étudiants !
Le communiqué de presse de SKEMA
Avant de plonger dans les grands enjeux de ce développement skemien, il convient de lire avec attention le communiqué de presse envoyé par l’école :
COMMUNIQUE DE PRESSE
SKEMA Business School poursuit son développement international : un nouveau campus aux Emirats arabes unis ouvre en septembre 2024 tandis que l’école a pris la décision de ne pas acquérir le Fashion Institute of Design & Merchandising (FIDM) aux Etats-Unis, annoncé le 19 septembre 2023.
Au cours de la période légale d’analyse des informations fournies par FIDM et de décision sur la poursuite de la transaction, SKEMA a fait le choix de ne pas procéder à l’acquisition car plusieurs conditions matérielles n’ont pas été remplies.
Sans lien avec l’acquisition potentielle de FIDM, SKEMA travaillait sur l’ouverture, en septembre 2024, d’une nouvelle implantation dans la première ville des Emirats Arabes Unis : Dubaï. Localisation stratégique et cosmopolite qui rayonne entre l’Occident, le monde Arabe et l’Asie, Dubaï est devenue un pôle d’affaires incontournable au plan mondial.
Le gouvernement de Dubaï entend s’entourer des meilleurs établissements internationaux, dont SKEMA, pour l’accompagner dans la formation et les transitions du futur : smart cities et transformation numérique notamment.
Au cœur du Hub financier de Dubaï
Après la Chine (Suzhou et Nanjing), les Etats-Unis (Raleigh), le Brésil (Belo Horizonte), l’Afrique du Sud (Stellenbosch) et le Canada (Montréal), cette nouvelle implantation vient renforcer l’offre globale de SKEMA et son influence dans une région en croissance. Ville monde, Dubaï enrichira l’expérience internationale et multiculturelle des étudiants, qu’ils soient français, internationaux (plus de 130 nationalités d’étudiants se côtoient sur les campus de SKEMA) ou bien encore natifs des pays dans lesquels l’école s’installe.
Implantée au cœur de Dubaï International Financial Centre (DIFC), hub financier international en pointe aux carrefours du Moyen-Orient, de l’Afrique et de l’Asie du Sud, SKEMA y développera ses activités en formation initiale et Executive.
Ouverture aux étudiants dès la rentrée 2024
Dès septembre 2024, SKEMA proposera à Dubaï quatre programmes : le Global BBA, le Programme Grande Ecole, le MSc in International Business et le MSc in Sustainable Finance and Fintech. Ce portefeuille de programmes sera très rapidement complété par d’autres programmes de niveau Master.
Grâce à un accord stratégique avec DIFC Academy et le University Leadership Council, SKEMA a le privilège de pouvoir s’établir dans un écosystème dynamique et porteur en termes d’innovation : DIFC est le poumon économique de Dubaï et accueille plus de 36 000 professionnels dans plus de 4 300 entreprises.
« Nous avons trouvé à Dubaï l’esprit d’innovation et d’excellence qui nous guide dans le choix de chacune de nos implantations. Notre campus à Dubaï va devenir le point de convergence des étudiants du monde entier et plus particulièrement ceux du Moyen-Orient, de l’Afrique et de l’espace indopacifique. A terme, ce campus aura pour vocation d’accueillir 2 000 étudiants » explique Alice Guilhon, directrice générale de SKEMA.
FIDM, le coup de poker de SKEMA
La reprise du Fashion Institute of Design & Merchandising était un projet poursuivi par SKEMA depuis de nombreux mois. Dans un contexte très difficile aux Etats-Unis pour les petits établissements d’enseignement supérieur confrontés à une érosion des effectifs après des années de forte croissance (ce qui n’est qu’un avant goût de ce qu’il se produira en France ces quinze prochaines années), SKEMA y voyait un moyen peu onéreux de consolider sa présence sur le continent nord-américain après Raleigh et Montréal, tout en évitant à FIDM une probable faillite fortement destructrice en termes d’emploi.
FIDM est une petite école privée for profit située à Los Angeles (Californie). D’après son Scoreboard, elle affiche des performances honorables en termes d’insertion, même si elle s’avère assez chère pour ses étudiants et affiche une tarification peu échelonnée selon les revenus familiaux (37 735 $ par an pour les étudiants issus de familles gagnant moins de 30 000 $ par an contre 46 206 $ par an pour ceux où les revenus excèdent les 110 001 $). D’autres chiffres intéressants sont à consulter sur le site de l’Institute of Education Sciences.
Dans le cadre du retournement du marché de l’enseignement supérieur américain, certains groupes parviennent à opérer de spectaculaires retournements en termes de perspective, à l’instar d’American Public Education, dont l’action a été multipliée par plus de 2,5 depuis la mi-octobre 2023 après l’annonce d’un plan de rachat de 10 millions de dollars permis par la division par 3 des pertes du groupe.
Malheureusement, FIDM ne connaîtra pas telle une trajectoire initiée par SKEMA. L’institution, qui avait annoncé le départ de 322 salariés fin novembre, espérait que son nouvel actionnaire français puisse les annuler.
Finalement, SKEMA a choisi de faire ce qui fait sa réussite depuis de nombreuses années : construire de manière organique plutôt que déconstruire un actif mal en point.
Pour ce faire, SKEMA n’a pas enclenché les trois pistes citées dans son plan stratégique SKY25 présenté en 2020 (Australie, Russie et Inde) et a opté pour Dubai… et c’est peu dire que ce choix a fait polémique !
SKEMA à Dubaï, quand les critiques sortent du bois
Les commentaire les plus « likés » sous le post LinkedIn d’annonce du post de SKEMA sont les suivants :
Ces critiques sont le propre d’une écologie de discours, de posture et de clavier, et non d’action. Elles partent du principe qu’il ne faudrait s’implanter que dans des endroits correspondant parfaitement à une vision de société qui conviendrait aux meilleurs standards en termes d’écologie et de société. SKEMA devrait donc probablement s’installer à Amsterdam, Graz, Zurich ou encore Trondheim (quoi que les exportations de gaz et de pétrole représentent 33% de son PIB) si l’on s’en tient à cette étude. Il est bien connu que le meilleur moyen d’agir, c’est d’aller là où il n’y a rien à faire (si ce n’est écrire des commentaires LinkedIn pour gravir les sommets de la pyramide de Maslow).
Cela me fait penser à ceux qui affirment qu’il ne faudrait pas posséder d’actions de TotalEnergies tout en ignorant qu’il s’agit du premier investisseur en France dans les renouvelables et… sans savoir non plus qu’acheter des actions sur le marché boursier n’est pas un moyen de soutenir ou de financer une entreprise, mais simplement un moyen de profiter de sa rentabilité pour investir ailleurs (faites un tour du côté d’Enerfip !)
Rappel salutaire de John Kay dans son ouvrage The Long and The Short of It :
La posture, la plus souvent radicale, permet aisément de gagner des likes et de l’approbation sur les réseaux sociaux. En revanche, elle ne change strictement rien à la marche du monde. Les moralisateurs qui écrivent ce type de messages sont également souvent les mêmes qui ont pu profiter au cours de leur enfance de belles résidences secondaires avec piscine, de longues vacances avec leurs parents… en se permettant de fustiger ceux qui découvrent ces doux plaisirs la vingtaine passée dans des villes comme Dubaï… Bref, trêve de postures et de finance (pour ceux qui veulent continuer de lire sur ce sujet, je vous invite à lire ceci) et retour à l’éducation.
Pour une Grande Ecole de commerce française, qu’il s’agisse de HEC (présent au Qatar à Doha et en Arabie Saoudite à Dhahran dans un programme avec Aramco), de l’ESCP (Dubaï également) ou d’EM Normandie, déjà installé à Dubaï depuis 2022, ignorer le développement d’une telle région serait terrible pour deux raisons.
Premièrement, cela prive les étudiants français de la capacité de se projeter dans une région en plein mouvement (les Emirats Arabes Unis font partie des nouveaux adhérents au groupe des BRICS depuis le 1er janvier 2024)… et non, ils ne rêvent pas de découvrir la vie des influenceurs. Deuxièmement, les Grandes Ecoles françaises ont l’opportunité de capter une part croissante d’étudiants internationaux désirant étudier dans cet environnement très sécurisé, multiculturel en pleine croissance… qui leur permettra également d’espérer attirer une partie de ces étudiants sur les campus français.
La réponse d’Arnaud Lacheret, professeur associé à SKEMA Business School explique assez clairement la pertinence d’une telle implantation :
Les Emirats Arabes Unis se situent au carrefour d’enjeux géopolitiques, économiques et financiers majeurs des prochaines décennies. Au cœur du projet dubaïote figure la capacité de se projeter dans l’ère post-pétrole, afin d’envisager le 200e anniversaire de l’émirat (2033) sans compter sur l’apport de cette précieuse ressource (projet D33).
Troisième économie de la région (après la Turquie et l’Arabie Saoudite), Dubaï sert de modèle de diversification de l’économie, désormais tournée vers le tourisme, l’immobilier (représenté par l’émergence du Burj Khalifa) et la logistique (port). Il s’agit aussi d’un hub majeur à la croisée de l’Europe et de l’Asie, utilisé par de très nombreuses grandes entreprises et institutions financières, profitant également de sa fiscalité très douce (aucun impôt sur les revenus et sur les sociétés dans les zones franches), notamment avec une TVA réduite à 5%. En 2024, l’émirat devrait afficher une croissance de 4,4% (selon Oxford Economics) tandis que Bercy a révisé la croissance française de 1,4% à 1%. Récemment, le pays a annoncé un investissement de 35 milliards de dollars en Egypte sur un intervalle de temps de deux mois, cimentant au passage son statut d’acteur incontournable de la région.
Jeunes étudiants, allez-y volontiers !
Pour aller plus loin :
Les Émirats Arabes Unis, du softpower à l’influence globale, Samy Ghorbal, Institut Choiseul
Skema, ESCP, EM Normandie… Pourquoi les écoles de commerce se ruent sur les Emirats arabes unis, Marion Perroud, Challenges